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Le diagnostic moléculaire à l’ère de la pandémie COVID-19

Auteur: Benjamin Neveu, Ph.D, Biochimiste Clinique en voie de certification


Le SARS-CoV-2 et la COVID-19

Le SARS-CoV-2 —agent étiologique de la COVID-19— a été le centre d’attention de la communauté internationale depuis plusieurs mois déjà. Au Québec, le constat d’une menace associée à cette pandémie, décrétée d’abord par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le 11 mars 2020, a été déclarée le 13 mars 2020 suite à l’adoption d’un décret d’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble de son territoire. Dès lors, le système de santé Québécois a opéré des restructurations majeures, tant au niveau de la gestion de ses effectifs (ressources matériels et humaines) qu’au niveau de la prise en charge de ses patients dans l’un de ses établissements. À défaut d’un vaccinou d’un traitement curatif disponible à courts termes, l’approche préconisée par le Gouvernement a été rapidement orientée vers la prévention de la transmission au sein de sa population, afin d’éviter la surcharge soudaine de son système de santé —notion familièrement imagée par «l’aplatissement de la courbe». Des mesures rigides ont été mises en place pour restreindre les contacts; notamment par la fermeture des écoles, la réduction des activités de plusieurs commerces, l’isolement volontaire, le télétravail, etc. Malgré toutes ces précautions, la gestion de l’isolement demeure complexe. En effet, bien que plusieurs personnes atteintes développent une symptomatologie «suggestive» de la COVID-19 : fièvre, toux sèche, dyspnée, fatigue et perte soudaine de l’odorat, d’autres sont asymptomatiques. Qui plus est, mêmes les signes associés à la COVID-19 sont en soi peu spécifiques au SARS-CoV-2. Ainsi, les laboratoires ont été hautement sollicités pour offrir des tests de dépistage permettant d’identifier et de placer en isolement—en milieu de soins ou à domicile— les patients réellement infectés par le SARS-CoV-2. Naturellement, en milieu hospitalier, le statut COVID-19 est une information cruciale à l’utilisation judicieuse des chambres d’isolement disponibles. Cette gestion doit être rigoureusement structurée pour maîtriser toute dissémination du virus, tant par un employé que par un usager contaminé, sachant que la protection des usagers déjà vulnérables est primordiale. Dans cette optique, un résultat rapide —négatif ou positif— constitue un paramètre déterminant à l’efficience organisationnelle de cette crise.  

Les aspects techniques du dépistage SARS-CoV-2

Pour confirmer en laboratoire une infection active, c’est le virus SARS-CoV-2 lui-même qui doit être détecté. C’est donc par le biais d’outils de biologie moléculaire que la COVID-19 peut être identifiée. Analytiquement, la détection du SARS-CoV-2 se fait par PCR quantitatif —communément appelé en milieu clinique TAAN— une technique d’amplification des acides nucléiques. Au Québec, c’est le Laboratoire de Santé Publique du Québec (LSPQ) qui a élaboré la marche à suivre pour détecter le SARS-CoV-2 à partir de spécimens cliniques. Leur méthode, basée sur la publication de Corman et collègues [1], a ensuite été déployée dans l’ensemble du réseau, dans plusieurs centres et laboratoires désignés, afin d’offrir un dépistage de masse à la population québécoise. Brièvement, les particules virales présentes dans les voies respiratoires supérieures et inférieures sont prélevées sur un écouvillon floqué, puis stabilisées dans un milieu de transport. L’ARN du virus est par la suite extrait et utilisé pour générer un ADN complémentaire (ADNc) par une réaction de transcription inverse. Pour finir, cet ADNc SARS-CoV-2, présent en quantité plus ou moins proportionnelle à la charge virale initiale du spécimen, est utilisé comme matrice à l’amplification PCR. Les étapes de transcription inverse et d’amplification PCR peuvent être effectuées séquentiellement dans le même puits, sans manipulation additionnelle. Le mélange réactionnel peut à la fois contenir la transcriptase inverse et la polymérase. Combinée à un programme de thermocycleur adapté, commençant par la transcription inverse pour ensuite démarrer l’amplification, la réaction peut être faite ainsi en « 1 étape », ce qui représente un gain de temps majeur et une diminution considérable du risque d’erreur. Des amorces et des sondes, uniques aux séquences virales, sont utilisées pour la réaction de PCR quantitative en temps réel. Pour assurer une spécificité adéquate au SARS-CoV-2, un essai avec une sonde hydrolysable de type TaqMan® est employé. À noter que, malgré la disponibilité des résultats précis en « Concentration Threshold » (Ct) et la reproductibilité analytique impressionnante de l’approche par PCR quantitatif avec un coefficient de variation (CV) sous 1,5% (données internes), le résultat final est rapporté comme étant « Détecté » ou « Non détecté ». Il n’y a effectivement aucune valeur ajoutée à connaître la charge virale d’un patient infecté pour sa prise en charge clinique. De plus, les variations techniques associées au prélèvement rendraient l’interprétation et le suivi temporel des valeurs quantitatives de SARS-CoV-2 complètement inutilisables. À l’exception des amorces et des sondes spécifiques au gène E (enveloppe) du SARS-CoV-2 distribués expressément par le LSPQ à travers les centres désignés, l’ensemble de ces étapes sont empreintes d’une variabilité surprenante quant aux approches, réactifs et plateformes employés. En ce sens, la nature même du spécimen primaire (possibilité de travailler sur des expectorations, sécrétions, lavages broncho-alvéolaires, selles) ainsi que son milieu de transport (Copan, Hank’s, saline, eau) peuvent varier et ainsi moduler leur prise en charge en laboratoire (prétraitement). Il en est de même pour les plateformes d’extraction utilisées, les trousses de réactifs et les robots, eux aussi extrêmement variés, de par le parc d’équipements hautement diversifié déjà en place dans le réseau et mis à profit lors du dépistage. En revanche, plusieurs alternatives d’inactivation thermique du virus ont été mises au point, exposées et testées sur le terrain pour être en mesure d’augmenter drastiquement la cadence des tests effectués —l’extraction étant une étape fort limitante à plusieurs égards. En dépit de la grande variabilité des réactifs de PCR, des thermocycleurs à détection en temps réel et des plateformes automatisées, leur impact demeure mineur sur le résultat de l’analyse. Les résultats obtenus à travers le réseau sont donc comparables cliniquement, témoignant de la grande flexibilité des plateformes de biologie moléculaires utilisées dans le déploiement du dépistage de masse de la COVID-19. Grâce à la robustesse et à l’adaptabilité de la méthode, les professionnels du diagnostic moléculaire ont su prouver leur débrouillardise et leur ingéniosité à travers cet objectif commun d’offrir rapidement un service de dépistage de qualité à l’ensemble des prescripteurs, dont le résultat reste déterminant à la coordination de leur travail.  

Interprétations et contrôles

Additionnés à l’ensemble de toutes ces considérations techniques, d’autres concepts importants doivent être considérés au moment d’interpréter un résultat de dépistage de la COVID-19. Comme pour l’intégralité des analyses de laboratoire, il existe la notion de “faux positif” et de “faux négatif”. Selon la nature de l’analyse, il est facile de comprendre l’impact d’un faux négatif pour la santé publique et celui d’un faux positif au plan individuel. En sachant l’excellente spécificité de la méthode SARS-CoV-2 ciblant le gène E [1], le faux positif n’a guère d’autres choix que d’être induit par une contamination, soit au niveau de l’extraction ou du PCR quantitatif. Pour écarter le doute de rapporter un faux positif, des contrôles négatifs au niveau de l’extraction et du PCR sont donc effectués régulièrement. Ainsi, une absence de signal dans ces contrôles négatifs suggère une absence de rémanence dans les instruments servant à l’extraction des spécimens primaires et d’une absence de contamination des réactifs. La présence d’un signal SARS-CoV-2 dans un spécimen patient est alors associée sans ambiguïté à la présence de la COVID-19 chez cet individu. La vigilance est de mise lors de toute validation de résultats négatifs, puisque l’absence de signal SARS-CoV-2 peut aussi être induite par d’autres facteurs que l’absence réelle du virus dans le spécimen. Le premier est sans contredit la limite de détection de la méthode. Bien que les approches qPCR soient extrêmement sensibles, un début d’infection présentant une charge virale minimale, peut parfois passer sous le radar. La limite de détection évaluée pour cette méthode est de 3,2-5,2 copies d’ARN par réaction [1]. La sensibilité clinique est donc étroitement liée aux recommandations de dépistage gouvernementales, lesquelles considèrent la sensibilité analytique de méthode. Un autre facteur pouvant induire un résultat négatif peut être un mauvais prélèvement. Cette problématique affecte bien-sûr la totalité des tests de laboratoire, mais elle a toutefois l’avantage d’être facilement repérable pour un test COVID. Une approche développée par les laboratoires a été d’incorporer un gène de référence humain dans les essais. Si le prélèvement est bel et bien conforme, des cellules épithéliales des voies respiratoires sont immanquablement présentes dans le spécimen. Ainsi, en évaluant un gène fortement exprimé dans ces cellules —par exemple le gène RPPH1 exprimant un ARN fonctionnel non-codant présent dans le complexe RNAse P— il est possible de confirmer la présence de matériel génétique initial. Idéalement, le gène de référence est utilisé comme un contrôle interne dans la même réaction d’amplification (multiplex). Une absence d’amplification pour le SARS-CoV-2, combinée à un signal pour le gène de référence, suggère très fortement un véritable résultat négatif. Inversement, une absence d’amplification pour ce gène de référence suggère soit un mauvais prélèvement ou soit un problème technique; le test et/ou le prélèvement doivent être repris. Comme ce contrôle utilise du matériel génétique humain endogène comme matrice d’amplification, il intègre à la fois l’étape d’extraction et celle de qPCR. Alternativement, il est possible d’ajouter, avant ou après l’extraction d’ARN, du matériel exogène en quantité connue et constante. Ce type de matériel est disponible commercialement chez plusieurs fournisseurs. Il peut servir de matrice à une amplification, conjointe à celle ciblant le SARS-CoV-2 (multiplex), pour valider l’efficacité de la réaction PCR et de l’extraction (seulement si ce-dernier a été ajouté avant cette étape d’extraction). Contrairement à l’approche utilisant un gène de référence humain endogène, cette méthode permet de mettre en évidence la présence d’inhibiteurs de réaction PCR, car une certaine intensité de signal (Ct) est attendue. En contrepartie, elle n’évalue pas la présence de matériel initial dans le spécimen reçu. Finalement, des contrôles positifs —validés comme contenant du SARS-CoV-2— sont inclus dans chaque série pour s’assurer que les mélanges PCR et les amplifications conduites dans les thermocycleurs à détection en temps réel soient conformes et permettent une détection adéquate du SARS-CoV-2. Malgré l’abondance d’outils et d’astuces permettant une interprétation éclairée des résultats de PCR quantitatif, il est possible qu’une confirmation soit tout de même nécessaire. Dans de tels cas, le LSPQ possède dans son arsenal un essai complémentaire ciblant le gène N (nucléocapside) du SARS-CoV-2. Les laboratoires désignés peuvent aisément y envoyer leurs spécimens concernés. À noter que, comme n’importe quelle autre analyse de laboratoire, l’interprétation finale du résultat par le personnel soignant doit être faite en tenant compte de la présentation clinique.  

Les alternatives présentes et futures

Un vaste éventail de méthodes, de trousses et d’équipements spécialisés, le tout adapté à la plupart des instruments déjà en place dans les laboratoires, a été développé très rapidement par divers fournisseurs; certains déjà bien implantés et d’autres qui ont saisi l’opportunité de faire une entrée remarquée. Dans un temps record, des trousses spécialement conçues pour la détection du SARS-CoV-2 ont vu le jour, telles que la trousse Abbott RealTime®, destinée à une utilisation sur leur plateforme automatisée m2000 [2], ou encore la trousse Xpert Xpress® pour une utilisation sur le GeneXpert de la compagnie Cepheid [3], pour ne nommer que celles-là. Plusieurs de ces trousses nouvellement disponibles commercialement ont aussitôt reçu la certification de Santé Canada pour leur utilisation diagnostique, incluant les deux exemples mentionnés précédemment [4]. Bien que la majorité des trousses utilisent toujours la quantification PCR, d’autres sont destinées au séquençage à haut débit. C’est le cas de la trousse de séquençage ciblé CleanPlex® de Paragon Genomics, compatible avec la technologie d’Illumina [5]. Sachant qu’un faible nombre de lectures (reads) est suffisant pour détecter avec confiance la présence du SARS-CoV-2 (minimum de 50 000 selon les recommandations du fournisseur), il est possible d’effectuer une analyse simultanée de 96 spécimens (multiplex) sur un appareil MiSeq® d’Illumina. Ce type d’analyse permet non seulement la détection du virus, mais également l’acquisition de sa séquence exacte. Ces informations peuvent ensuite être utilisées dans un contexte épidémiologique et de recherche, mais celles-ci ne sont pas primordiales dans le contexte actuel de pandémie, au moment où la rapidité d’exécution est bel et bien la priorité. En ce sens, cette analyse ne permet pas d’avoir un temps-réponse adéquat pour les besoins cliniques en milieu hospitalier spécifiquement. En outre, pour améliorer le temps-réponse du dépistage de la COVID-19 dans les régions plus éloignées (et fort probablement dans les grands centres urbains également), il existe des alternatives rapides et faciles d’utilisation qui permettent d’obtenir un résultat sans avoir recours à un envoi dans un centre désigné. Par exemple, une des acquisitions majeures faite par le gouvernement provincial est sans aucun doute les 100 Cube® de la compagnie canadienne Spartan Biosciences [6]. Ce petit appareil permettra d’offrir un service rapide soit au chevet du patient (de type EBMD; examens de biologie médicale délocalisée) ou dans un centre n’ayant pas accès aux équipements de pointe requis au dépistage de la COVID-19. Avec la cartouche spécifique, le Cube de Spartan permet, en 30 minutes seulement, d’extraire les acides nucléiques à partir d’un écouvillon et d’effectuer la détection par PCR quantitatif du SARS-CoV-2 [7]. Le produit n’étant toujours pas utilisé de manière courante au Québec au moment d’écrire ces lignes, il reste à voir si la spécificité et la sensibilité de sa détection du SARS-CoV-2 seront à la hauteur des attentes qu’il suscite. Finalement, des tests de sérologie pour la confirmation de l’immunité sont présentement en validation par plusieurs compagnies diagnostiques. Ces tests évalueront par des techniques immunologiques classiques (architectures variables selon les fournisseurs et les plateformes analytiques) la présence d’anticorps spécifiques au SARS-CoV-2, permettant de déterminer si un individu a déjà été en contact par le passé. Comme ces analyses s’inscrivent dans un tout autre contexte que celui du dépistage de l’infection active par des approches de biologie moléculaire, elles ne seront pas abordées plus en détails ici.  

Conclusions

Le diagnostic moléculaire détient sans contredit un rôle majeur dans la gestion de la pandémie COVID-19. Grâce à une expertise accrue des méthodes, des outils et des processus disponibles, combinés à une connaissance des milieux cliniques et diagnostiques, les professionnels de laboratoire médical (biochimistes cliniques et médecins de laboratoire) ont su relever avec brio ce défi sans précédent. Dans les coulisses du milieu hospitalier, l’union de leurs compétences, relatives au diagnostic moléculaire, a convergé vers le développement et l’optimisation d’une analyse de qualité, permettant au personnel soignant d’intervenir avec justesse auprès des patients. La communauté de professionnels de laboratoire médical a de quoi être fière de sa contribution innovante, laquelle demeurera indispensable à la gestion avisée de cette crise.  

Références

  1. Corman VM, Landt O, Kaiser M, Molenkamp R, Meijer A, Chu DKW et al. Detection of novel 2019 coronavirus (2019-nCoV) by real-time RT-PCR. Euro Surveill. 2020.
  2. Abbott Laboratories. Abbott RealTime SARS-CoV-2 Assay, [https://www.molecular.abbott/us/en/products/infectious-disease/RealTime-SARS-CoV-2-Assay] (Site consulté le 1er mai 2020).
  3. Cepheid. Xpert® Xpress SARS-CoV-2, [https://www.cepheid.com/coronavirus] (Site consulté le 1er mai 2020).
  4. Santé Canada. Diagnostic devices for use against coronavirus (COVID-19): List of authorized devices, [https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-health-products/medical-devices/covid-19/diagnostic-devices-authorized.html#wb-auto-5] (Site consulté le 1er mai 2020).
  5. Paragon Genomics. CleanPlex® SARS-CoV-2 Panel, [https://www.paragongenomics.com/product/cleanplex-sars-cov-2-panel/] (Site consulté le 1er mai 2020).
  6. CTVnews. Quebec buying into COVID-19 testing cube that produces results in a half hour, [https://montreal.ctvnews.ca/quebec-buying-into-covid-19-testing-cube-that-produces-results-in-a-half-hour-1.4889136] (Site consulté le 1er mai 2020).
  7. Spartan Biosciences. Spartan Cube, [https://www.spartanbio.com/technology/] (Site consulté le 1er mai 2020).
AUTEUR

Benjamin Neveu

PhD, Laboratoire de diagnostic moléculaire, Institut de Cardiologie de Montreal

benjamin.neveu@icm-mhi.org