Actualité 1

Educ’Alcool, Theranos et Nobel

Auteur: Raymond Lepage, Ph.D, Vulgarisateur scientifique, Biron Groupe Santé, Brossard, QC


Educ’Alcool

Pas mal d’eau a coulé sous les ponts et d’alcool dans les gosiers depuis l’été dernier au sujet d’Éduc’alcool et des nouvelles recommandations du Centre canadien sur les dépendances et l’usage des substances Lisez l’article. On doit probablement laisser plus de temps à Educ’alcool pour « actualiser ses messages de prévention » et adapter ses nouvelles publicités télévisées.  Pas facile le passage de 10 consommations par semaine pour les femmes et 15 pour les hommes à celle de se limiter à deux (ou moins) par semaine provenant en plus d’un contenant indiquant clairement les risques pour la santé.  La dernière riposte d’Educ’alcool semble indiquer que leurs messages porteront dorénavant sur la prise de responsabilité par chaque individu et non sur un nombre prédéfini de consommations hebdomadaires ou quotidiennes Lisez l’article.  Cette prise de position qui ne peut que conforter l’industrie de l’alcool après plusieurs années de définition d’une consommation « acceptable » me laisse un peu songeur.  Surtout après avoir regardé sur ici tou.tv le documentaire « Péter la balloune » d’Hugo Meunier.  La séquence ou des publicitaires suédois se moquent ouvertement des astuces de notre bonne SAQ pour mousser ses ventes n’est qu’un des éléments à voir et revoir dans ce documentaire.

La présidente d’Éduc’Alcool récidive…

Suite au compte rendu du 17 janvier 2023 concernant le projet de mise à jour des directives de consommation d’alcool à faible risque Lisez l’article, Geneviève Desautels, directrice générale d’Éduc’alcool précise la position de son organisme.  S’il consent à ce que chaque contenant d’alcool mentionne le nombre de consommations qu’il contient, Educ’alcool s’objecte toujours à ce que des mises en garde concernant les risques pour la santé soient ajoutées.  Selon sa directrice générale, «plusieurs autres facteurs peuvent causer le cancer et (qu’)il est difficile de l’associer uniquement à la consommation d’alcool » Lisez l’article (5).  Quand on y pense, c’est vrai également pour l’amiante ou le tabac…

Au moins, Educ’alcool n’est pas responsable de « l’imbuvable » pub Tabu et de son « sympatique » géant répétée ad nauseam pendant les Fêtes de fin 2022.  C’est plutôt la SAAQ (Société avec les facultés créatives affaiblies?) qui est responsable de cette ineptie.  Assez parlé de ce dossier!…promesse d’ivrogne.

 

Theranos

Le sort semble jeté sur Elizabeth Holmes Lisez l’article (6) et son associé Ramesh Sunny Balwani Lisez l’article dans le scandale ayant ruiné la startup Theranos.  Dans deux jugements rendus les 11 novembre et 7 décembre derniers, E. Holmes et R. S. Balwani ont été condamnés L'ancienne PDG de Theranos, Elizabeth Holmes. respectivement à 11 ans et 13 ans moins un mois de prison pour, entre autres « avoir menti aux investisseurs sur les avances réelles de (leur) entreprise ».  À noter, qu’aucun jugement n’a été rendu sur le fait d’avoir menti ou mis à risque la santé des patients…  À noter également qu’une obligation éventuelle de remboursement aux actionnaires reste à venir.  Les deux protagonistes iront évidemment en appel.

 

 

Nobel de médecine 2022

Le prix Nobel de médecine et de physiologie 2022 a été attribué à Svante Pääbo, un suédois de 67 ans rattaché depuis 1997 au Max Plank Institute for Social Anthropology de Leipzig en Allemagne.  L’institut Nobel a reconnu les travaux dirigés par le professeur Pääbo sur le séquençage du génome de l’homme de Néandertal et son rôle dans l’émergence de la paléogénomique Lisez l’articleLe secrétaire du comité Nobel de physiologie et de médecine, Thomas Perlmann, annonce le prix Nobel de médecine 2022, le 3 octobre à Stockholm.J’avoue que cette nouvelle m’a laissé plutôt indifférent :  le génome de l’homme de Néandertal, so what?  Pourquoi pas celui des Ostrogoths qui ont occupé le centre ville d’Ottawa l’hiver dernier?  Heureusement que tous ne partagent pas cette impression initiale, dont évidemment le comité de nomination du Nobel de médecine/physiologie.

Selon eux, « En révélant les différences génétiques qui distinguent tous les humains vivants des hominidés disparus, (leurs) découvertes ont fourni la base pour explorer ce qui nous rend, les êtres humains, uniques ».  « Les différences génétiques entre Homo sapiens et nos plus proches parents disparus étaient inconnues jusqu’à ce qu’elles soient identifiées grâce aux travaux précurseurs de Pääbo. ».

En fouillant davantage sur le sujet, j’ai déniché un article très intéressant dans BBC News Afrique et des vidéos sur le web décrivant certaines étapes de la carrière et de l’approche de S. Pääbo.  D’abord intéressé par l’égyptologie, cet Indiana Jones en herbe passera du décryptage des hiéroglyphes à une véritable machine à remonter le temps que deviendra le séquençage de l’ADN des momies, puis d’espèces disparues depuis des milliers d’années comme les mammouths, etc.

Grand merci au cannibalisme!

Le séquençage de l’ADN de l’homme de Néandertal a été réalisé d’abord sur de l’ADN mitochondrial puis par la suite sur de l’ADN nucléaire extrait de petits fragments d’os découverts dans des sites archéologiques d’Europe et d’Asie.   Malgré tous les progrès dans le séquençage de l’ADN dont ont pu bénéficier les chercheurs, séquencer des fragments âgés de plus de 40 000 ans représentait un défi colossal si on tient compte des innombrables sources de contamination pendant cette longue période de temps, les bactéries et moisissures n’étant pas les moindres.  S. Pääbo explique que son travail a été facilité par le cannibalisme pratiqué par l’homme de Néandertal.  Il explique que « Si vous séparez la viande de ces petits morceaux d’os et que vous les jetez dans le coin de la caverne, où ils sèchent rapidement, ils auront moins d’activité microbienne et sécheront beaucoup plus rapidement.  Nous devons remercier le cannibalisme pour le succès de notre projet néandertalien ».

En plus de l’élucidation du génome de l’homme de Néandertal, S. Pääbo et ses collaborateurs ont découvert l’homme de Desinova ou « Dénisovien », une nouvelle espèce d’hominidé vivant en Sibérie.  Ils ont également constaté que des gènes avaient été transférés entre l’homme de Néandertal, celui de Denisova et l’Homo Sapiens lorsque ces derniers ont quitté l’Afrique pour migrer vers l’Europe et l’Asie, soit une période de coexistence de dizaines de milliers d’années.  La comparaison des génomes a permis de mettre en évidence des gènes néandertaliens et dénisoviens qui expliquent des particularités de notre système immunitaire ou encore la capacité de certains peuples comme les Tibétains à survivre en haute altitude.  Par ailleurs, le non-partage des gènes entre les trois espèces d’hominidés concernerait surtout la façon dont notre cerveau s’est développé.  Voilà pour la partie plus médico-physiologique.

De superbes vidéos mettant en vedette Svante Päabo et sa recherche sont accessibles gratuitement sur le Web (Site PBS).  Il faut voir en particulier sa description des défis posés par le séquençage de l’ADN !