Auteur: Raymond Lepage, Ph.D
Le point de départ de ce sujet est le nombre de fois que j’ai relevé le mot « Car-T Cell Therapy » dans les tables de matière de plusieurs revues physiologiques et médicales. Cette thérapie consiste à utiliser des cellules T du patient et de les réinjecter après les avoir modifiées génétiquement pour qu’elles produisent à leur surface des antigènes chimériques. Ces antigènes leur permettent de participer à la reconnaissance et éventuellement à la mort des cellules cancéreuses. Le traitement est récent, approuvé au Canada en 2018 mais disponible au Québec seulement depuis octobre dernier et semble très prometteur pour les cancers hématologiques.
Déjà au début des années 1970 alors que je complétais mes études doctorales à l’Institut du Cancer de Montréal, on connaissait l’hypothèse d’un affaiblissement du système immunitaire pour expliquer la croissance de tumeurs et on connaissait déjà le rôle potentiel du vaccin BCG sur l’évolution de la maladie. Le premier traitement par immunothérapie remonte cependant bien avant le concept d’immunothérapie. Il faut en effet remonter aussi loin qu’à la fin du XIXième siècle pour suivre les travaux de pionnier de l’américain William B. Coley. Il avait observé plusieurs cas de rémission du cancer (sarcomes, lymphomes, carcinomes testiculaires), chez des patients après une attaque d’érysipèle, une infection de la peau causée par des streptocoques beta-hémolytiques. Coley avait tenté avec un certain succès de reproduire la situation en injectant des préparations de Streptococcus pyogenes et Serratia marcescens à ses patients cancéreux dès 1891. Bien que plusieurs cancers aient été traités avec succès, l’absence d’explication pour le phénomène et les risques d’infection par des préparations qui contenaient une bonne proportion de bactéries vivantes, les injections des « toxines de Coley » cessèrent rapidement. Elles furent remplacées par la radiothérapie puis au milieu du XXe siècle par la chimiothérapie avec leur cohorte d’effets secondaires.
Le traitement avec le bacille atténué de Calmette (BCG) a été approuvé pour le traitement de la récidive du cancer de la vessie à partir de 1976 et est toujours utilisé aujourd’hui comme un des moyens les plus efficaces d’empêcher la récidive de ce cancer particulier.
En plus des thérapies avec les CAR-T cells, c’est une interview avec le professeur James P. Allison dans Quanta Magazine du 3 février dernier qui complète ma brève sur l’immunothérapie du cancer. Les travaux du Professeur Allison ont permis de réaliser que certaines molécules en surface des lymphocytes T agissaient comme des interrupteurs (On/Off switch) capables d’inhiber la réponse immunitaire (CTLA-4 immune checkpoint) et que certains cancers les mettaient en position « off ». Ses travaux ont permis, entre autres, de développer un anticorps monoclonal capable de bloquer l’interrupteur et de maintenir les lymphocytes T en position de marche pour qu’ils aillent tuer les cellules cancéreuses. Ces travaux ont mené à la commercialisation de l’ipilimumab (Yervoy), un anticorps monoclonal utilisé dans le traitement du mélanome métastatique.
Rappelons que les recherches du professeur Allison lui ont valu le prix Nobel de médecine 2018 (conjointement avec Tasuku Honjo).