Coronavirus

SARS-CoV-2 : Origine et Structure Générale du Virus

Auteur: Dr Philippe Desmeules, Biochimiste Clinique, PhD, DEPD, CSPQ

Introduction et définitions générales 

L’objectif de ce texte est de présenter une synthèse de l’origine (provenance) ainsi que de la structure macromoléculaire générale du virus de la famille des coronaviridae, le SARS-CoV-2 qui est responsable de la pandémie la plus mortelle de l’ère moderne depuis la grippe de Hong Kong qui a fortement atteint la population mondiale causant près d’un million de décès entre 1968 et 1970 (1).

Les nuances sur l’origine du SARS-CoV-2 permettront d’en savoir davantage sur ce que doit posséder comme propriétés un coronavirus pour envahir le corps humain. La structure macromoléculaire du virus est intimement liée à son origine et la connaissance de certaines protéines clefs du SARS-CoV-2 permettra d’aborder les façons de doser ce virus ou de révéler sa présence dans les fluides corporels (article partie 2, à venir).

Il apparaît nécessaire de présenter quelques définitions afin de savoir exactement de quoi il retourne et d’éviter les abus de langage qui risque d’induire les gens en erreur. En premier lieu, l’acronyme utilisé couramment est COVID-19, il décrit la maladie lorsqu’une personne souffre d’une atteinte particulière à ce virus et ne correspond pas à l’acronyme pour énoncer ou décrire ce coronavirus. L’acronyme adapté pour énoncer le virus est le SRAS-CoV-2 ou en anglais le SARS-CoV-2. C’est d’ailleurs ce dernier acronyme qui sera utilisé dans ce texte puisqu’il est le terme officiel du Comité international de taxonomie des virus (toutefois il a également été francisé en SRAS-CoV-2 pour assurer la cohérence avec l’épidémie de SRAS dont le terme avait alors été francisé) (2). Il est à noter que le virus SRAS-CoV-2 n’est pas le descendant direct du virus SARS-CoV (crise du SRAS en 2002-2003). L’homologie entre ces deux virus porte plutôt sur la similarité de certains signes cliniques de la maladie SRAS et COVID-19, mais pas sur le plan de la phylogénétique du virus.

Tableau #1,  acronymes couramment utilisés

AcronymeSignificationPrécisions et commentaires
2019-nCoVn pour ‘’novel’’; CoV pour coronavirus et 2019 pour l’année de la découverte du virus.Le 2019-nCoV est maintenant nommé SARS-CoV-2. Au début de l’épidémie, 2019-nCoV, a été utilisé dans les premières publications. La première utilisation du terme 2019-nCoV est le 13 janvier 2020 (voir OMS situation report #1 du 21 janvier 2020) (5).
COVID-19’coronavirus disease 2019’’ maladie à coronavirus 2019. Le D est donc pour ‘’disease’, et le COV pour coronavirus.Les principaux symptômes sont les suivants :
1-Fièvre, myalgie et maux de tête;
2-Rhinorrhea et maux de gorge;
3-Toux, dyspnée, oppression, expectorations.
4-Nausée et diarrhée.
La plupart du temps le patient pourra récupérer. Toutefois pour les personnes qui présentent une forme sévère de la COVID-19, voici l’évolution typique :
1-Incubation du virus : médiane de 4 jours jusqu’à une étendue supérieure de 14 jours (certaines personnes jusqu’à 23 jours).
2-Dyspnée : 6 jours post-exposition
3-Admission : 8 jours post-exposition
4-Parfois, soins intensifs avec intubation et ventilation mécanique après environ 10 jours post-exposition au virus (6).
NidoviralesOrdre de virus auquel appartient le SARS-CoV-2Cet ordre regroupe des virus eucaryotes à enveloppe qui contiennent un ARN monocaténaire de sens positif (l’ARNm peut être traduit directement sans passer nécessairement par l’ARN polymérase de l’hôte). Dans cet ordre il y a des virus à petit génome ou à grand génome. Le SARS-CoV-2 contient un ARN classé très grand dans cet ordre (près de 30 kb). Le terme latin nido signifie nid puisque les nombreuses macromolécules d’ARN messagers transcrites s’organisent en une structure rappelant un nid lorsque le virus infecte une cellule (cette structure est visible en microscopie électronique) (7).
CoronaviridaeFamille de virus reliée à l’ordre des NidoviralesCette famille contient les sous-familles coronavirus (coronavirinae) et topovirus. Les coronavirus sont nommés ainsi, car en microscopie électronique l’organisation des protéines de surface du virus fait penser à la couronne solaire.
Coronavirinae (ou Orthocoronavirinae)Sous-famille des coronaviridaeCette sous-famille est celle communément appelée coronavirus.
Sous-famille des virus qui sont responsables de diverses infections pulmonaires et intestinales chez l’humain. Le virion est de forme sphérique présentant un diamètre d’environ 120 nm. L’ARN est associé à une protéine N (nucléocapside). (3).
Bêta coronavirusLa famille des coronavirus (coronavirinae) est aussi divisée en groupe.Il existe quatre principaux groupes (alpha, bêta, gamma et delta). Le groupe bêta est constitué des virus qui peuvent atteindre l’humain dont le SARS-CoV-2. Les bêta-coronavirus sont des évolutions de virus présents chez la sauve-souris.
SARS-CoV-2SARS-CoV-2 ‘’Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 (SARS-CoV-2) en français SRAS veut dire : Syndrome Respiratoire Aigu Sévère
Acronyme de l’actuel virus responsable de la pandémie de la COVID-19.
Il est à noter qu’au plan génétique, le SARS-CoV-2 n’est pas le descendant direct du SARS-CoV (crise du SRAS en 2002-2003). L’acronyme insiste sur le fait que les manifestations cliniques sont semblables, mais le SARS-CoV-2 partage une homologie génétique plutôt modérée avec le SARS-CoV.
Acronyme de l’actuel virus responsable de la pandémie de la COVID-19.
Il est à noter qu’au plan génétique, le SARS-CoV-2 n’est pas le descendant direct du SARS-CoV (crise du SRAS en 2002-2003). L’acronyme insiste sur le fait que les manifestations cliniques sont semblables, mais le SARS-CoV-2 partage une homologie génétique plutôt modérée avec le SARS-CoV.

Le SARS-CoV-2 est un virus à ARN de l’ordre des Nidovirales, de la famille des Coronaviridae, et de la sous-famille des Coronavirinae (présent surtout chez les mammifères). La sous-famille des coronavirinae est classifiée en quatre sous-groupes (alpha, bêta, gamma et delta) et le SARS-CoV-2 appartient au groupe des bêta coronavirus (3, 4). Le tableau 1 regroupe les acronymes officiels les plus couramment utilisés dans la pandémie actuelle et leurs significations ainsi que plusieurs précisions importantes.

Le SARS-CoV et le SARS-CoV-2 ne sont pas les seuls bêta coronavirus qui atteignent l’humain puisque par exemple le coronavirus OC43 est connu pour atteindre la population de façon périodique depuis longtemps (3,4) sans oublier le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus) qui a été endémique en 2012. Le SARS-CoV-2 possède trois propriétés qui sont grandement dangereuses pour la population humaine mondiale. Tout d’abord, comme nous le verrons plus tard, il possède la combinaison pour entrer efficacement dans les cellules humaines. Par surcroît, sa séquence génétique est assez différente des autres bêta coronavirus de notre environnement habituel pour que le système immunitaire doive débuter la synthèse d’immunoglobulines pour l’éliminer et s’en prémunir et finalement ce virus utilise un mode de transmission de type respiratoire par gouttelette ce qui est en fait une mauvaise nouvelle pour les êtres grégaires que nous sommes. Le SARS-CoV responsable de la crise de 2002-2003 possède aussi ces trois propriétés, mais le taux de transmission du SARS-CoV-2 est plus élevé ce qui semble expliquer la pandémie mondiale actuelle (3).

Origine du SARS-CoV-2

Plusieurs questions et théories sont à connaître afin de mieux évaluer cet adversaire nanoscopique. Par exemple, à partir de quel virus a-t-il évolué et comment a-t-il façonné ses armes protéiques pour infecter l’hôte et devenir le responsable de ce grand dérangement. En fait, l’équipe de Zhou et al., fut la première à rapporter la séquence génétique du SARS-CoV-2 (2019-nCoV) en étudiant les échantillons provenant de lavages broncho-alvéolaires de sept patients atteints d’une pneumonie virale sévère (8). Ces sept patients étaient tous des vendeurs ou livreurs du même marché de fruits de mer de la région de Wuhan (province de Hubei, Chine centrale). Le séquençage de nouvelle génération du virus contenu dans le liquide broncho alvéolaire a révélé une identité de séquence génomique de 79,6 % avec l’agent viral SARS-CoV, mais une identité de 96,2 % avec le génome d’un coronavirus présent chez la chauve-souris, le RaTG13. Ce dernier avait déjà été identifié chez le Rhinolophus affinis de la province de Yunnan en Chine. Par surcroît, si l’on observe des séquences génétiques plus courtes comme celles qui codent pour une protéine la RNA-polymérase RNA-dépendante, la comparaison est quasi identique entre le SARS-CoV-2 et le RaTG13 (4, 8). Ceci établit assurément la chauve-souris (type Rhinolophus affinis) comme le réservoir du SARS-CoV-2 et donc la source et l’origine de celui-ci. Toutefois, ceci ne prouve pas que le RaTG13 ait été inoculé directement chez un humain et que cette inoculation ait permis au virus RaTG13 une recombinaison de son ADN chez un humain pour résulter en SARS-CoV-2. En fait, le SARS-CoV-2 présente des changements d’acides aminés (et donc de nucléotides) par rapport au RaTG13 précisément dans la région qui sert de liaison au récepteur de la cellule hôte humaine, le ACE2 (Angiotensin converting enzyme 2). L’hypothèse réside en cette étape intermédiaire de recombinaison qui aurait permis d’augmenter l’efficacité d’entrée du virus dans la cellule hôte humaine (augmentation du transfert interespèce). Plusieurs théories sur l’organisme qui aurait pu servir d’hôte intermédiaire sont en cours d’évaluation, car l’humain n’est pas le seul candidat.

Dans le cas du SARS-CoV, l’hôte intermédiaire s’est avéré être la civette (Asian palm civet), un petit mammifère carnivore (9). Dans le cas de l’endémie du MERS (Middle East Respiratory Syndrome) en 2012, le virus a été identifié pour la première fois en Arabie Saoudite et le dromadaire a été clairement identifié comme l’hôte intermédiaire. Son réservoir d’origine est probablement aussi la chauve-souris quoique cette descendance est moins sûre que dans le cas du SARS-CoV et du SARS-CoV-2 (10). Pour le SARS-CoV-2, le candidat au rôle d’hôte intermédiaire, si nous excluons l’humain, serait le pangolin javanais (Manis javanica), un mammifère insectivore qui était l’un des nombreux animaux en vente vivants au marché de Wuhan (11). Plus précisément, le SARS-CoV-2 montre 97,4 % d’identité avec le coronavirus du pangolin javanais pour la séquence d’acides aminés formant l’important domaine de liaison au récepteur (RBD : receptor binding domain) et seulement 89,2 % avec le domaine RBD du RaTG13. En effet, le coronavirus du pangolin et le SARS-CoV-2 présentent une identité parfaite pour les cinq acides aminés critiques pour la liaison du domaine RBD au récepteur ACE2 humain. Toutefois, sur le plan du reste du génome viral, le coronavirus du pangolin partage une plus grande similarité avec le RaTG13. Est-ce que ces observations de phylogénétique constituent une preuve que le pangolin est sans doute l’hôte intermédiaire du RaTG13 et le responsable de la recombinaison génétique qui aurait créé le SARS-CoV-2? En fait, il n’est pas totalement exclu que le coronavirus du pangolin et le SARS-CoV-2 présentent simplement une convergence d’évolution puisque la séquence génétique du récepteur cellulaire ACE2 du pangolin est assez similaire à celui de l’humain (84,8 %) tandis que si on le compare à la chauve-souris, il est de 80,8 %. Par contre, un autre élément fait pencher la balance vers le pangolin comme l’hôte intermédiaire probable. Les coronavirus trouvés chez le pangolin ne possèdent pas le site de clivage nommé furin like  de la protéine de surface (spike protein), parfaitement comme le  SARS-CoV-2. Contrairement au RaTG13 et aux autres bêta coronavirus qui possèdent ce site de clivage furin like (12). La balance est donc pour le moment vers la théorie d’une étape de recombinaison de l’ADN au sein du pangolin agissant comme hôte intermédiaire ce qui aurait par conséquent modifié le virus RaTG13 en SARS-CoV-2. L’intérêt de connaître l’origine du virus et l’hôte intermédiaire n’est pas seulement scientifique. En réalité, si l’hôte intermédiaire s’avère un mammifère, ses populations et les contacts possibles avec les humains feront l’objet d’un contrôle. De plus, lorsque l’origine et l’hôte intermédiaire sont identifiés, une région géographique peut être ciblée et des humains de cette région pourront être étudiés sur le plan de la sérologie des anticorps anti SARS-CoV-2. Par exemple, dans le cas du SARS-CoV, des échantillons sanguins de personnes en santé de la région de Hong Kong qui avaient été prélevés en 2001 ont été analysés ultérieurement pour la recherche d’anticorps anti-SARS-CoV. En fait, 2,5 % de ces échantillons contenaient une concentration mesurable d’anticorps anti-SARS-CoV lors d’une étude effectuée en 2004. Ceci a donc prouvé que le virus avait atteint certains citoyens de Hong Kong bien avant le début de la pandémie du SRAS en 2003 (13).

Structure générale du SARS-CoV-2

Le génome du SARS-CoV-2 code pour d’importantes protéines qui serviront à établir sa structure ou sa réplication dans la cellule de l’hôte. De façon générale, on peut résumer le cycle de vie du virus SARS-CoV-2 de cette façon. Tout d’abord la protéine de surface du virus, la protéine S va lier le récepteur ACE2 à la surface de la membrane cellulaire des pneumocytes. Lors de cette liaison, un changement de conformation de la protéine S va favoriser la fusion entre le SARS-CoV-2 et la membrane cellulaire afin d’atteindre le système endosomal de la cellule. Le virus SARS-CoV-2 pourra alors libérer son ARN afin de pouvoir débuter la traduction des protéines. Le génome du bêta coronavirus SARS-CoV-2 est assez particulier puisqu’il contient plusieurs séquences de lecture (open reading frame), en l’occurrence ORF1a et ORF1b qui vont permettent la synthèse de deux grandes polyprotéines pp1a et 1ab qui seront réduites en plusieurs fragments (polypeptides) par des protéases virales. Ces polypeptides permettront la synthèse de l’ARN viral dans l’hôte. L’ARN sera ensuite transcrit en ARNm et traduit en protéines qui permettront l’assemblage d’un virion dans le système réticulo-endoplasmique de la cellule hôte, la production de vésicules contenant des virions et l’exocytose afin de libérer le virus (3, 8). Le tableau #2 présente plus en détail les protéines clefs du SARS-CoV-2. Ces protéines sont essentielles pour produire des virus SARS-CoV-2 complet et en grande quantité dans l’hôte.

 

Tableau #2,  protéines clefs du SARS-CoV-2 et récepteur ACE-2

ProtéineRôlePrécisions et commentaires
Protéine S
(Spike protein)
Glycoprotéine transmembranaire organisée en homotrimère et dont on peut voir les protubérances à la surface du SARS-CoV-2. Cette protéine va lier le récepteur de la cellule hôte l’ACE2 et permettre l’entrée du SARS-CoV-2 dans la cellule.La protéine S est composée de deux sous-unités (S1 et S2). La liaison à l’ACE2 se fait via un domaine de liaison nommé SB de la sous-unité S1 (14). Le blocage de la liaison entre le domaine SB et l’ACE-2 à l’aide d’un anticorps neutralisant est une des cibles potentielles pour la vaccination (15).
Protéine N
(protéine de la nucléocapside)
Possède plusieurs fonctions, dont la réplication du SARS-CoV-2 et l’enroulement de l’ARN viral. La séquence de cette protéine est très bien conservée chez les coronavirus. Elle est fortement exprimée lors d’une infection. La protéine N est d’ailleurs une cible pour des anticorps neutralisants (16).
Protéine E (‘’Envelope’’)Petite protéine membranaire du SARS-CoV-2 impliquée notamment dans le bourgeonnement du virus vers l’extérieur de la cellule hôte. Elle stabiliserait l’enveloppe virale. Protéine moins abondante que la protéine S, M et N. Elle est ajoutée à la membrane du virion dans le réticulum endoplasmique de la cellule hôte (17).
Protéine M (protéine membranaire)Elle joue un rôle central dans l’assemblage du SARS-CoV-2 (18).Protéine de structure la plus abondante chez le SARS-CoV-2. Elle est primordiale pour assurer la formation de l’enveloppe virale (toutefois, seule, elle ne peut produire une structure viable de virion). L’interaction entre la protéine S et la protéine M est nécessaire pour garder la protéine S dans le réticulum endoplasmique et assurer son incorporation dans le virion.
Pp1A et 1abPolyprotéines traduites des gènes ORF1a et ORF1b de l’ARN du SARS-CoV-2. Ces gènes sont nommés : replicase/transcriptase gene. Pp1a présente une masse moléculaire de 500 kDa et celle de 1ab est de 800 kDa. La fonction principale de ces protéines est la synthèse de l’ARN viral. Ces immenses protéines ne sont pas détectables lors d’une infection, car elles sont coupées et modifiées post-traductionnellement par des protéases en différents intermédiaires et en petites protéines (19).
Les protéases Plusieurs protéases virales ou même de l’hôte vont participer à améliorer l’entrée du virus ainsi que la synthèse des virions. Ces protéases sont des enzymes qui reconnaissent des séquences d’acides aminés spécifiques et qui vont cliver (couper) la protéine. L’inhibition de ces protéases est une cible thérapeutique prometteuse. Par exemple, l’importante protéase Mpro qui reconnait 11 sites de clivage de la protéine 1ab (voir ci-haut dans le tableau) est essentielle pour permettre la traduction de l’ARN du SARS-CoV-2. Des travaux sont en cours pour inhiber son activité et lutter contre le SARS-CoV-2 (20).
Récepteur ACE2Protéine métallocarboxypeptidase transmembranaire impliquée dans le système Rénine-Angiotensine (ce récepteur est une cible pour le traitement de l’hypertension). En fait, le substrat de l’ACE2 est l’angiotensine II. Ce substrat est dégradé par l’ACE2 en angiotensine 1-7 qui régule négativement le système rénine angiotensine. Le récepteur ACE-2 est exprimé dans le poumon, le tractus gastro-intestinal, le système vasculaire endothélial, l’épithélium tubulaire rénal et les cellules de Leydig testiculaires. C’est par immunofluorescence à l’aide de cellules en culture exprimant le récepteur ACE-2 qu’on a confirmé que le SARS-CoV-2 pouvait lier les récepteurs ACE-2 humains, de chauve-souris, de civette et de porc (8).

Comme indiqué auparavant, l’entrée du virus SARS-CoV-2 dans la cellule hôte est possible via la protéine S qui peut lier le récepteur ACE-2. Toutefois, la dynamique de cette liaison n’est pas si simple. Tout d’abord, le SARS-CoV-2 doit utiliser, comme plusieurs virus, une hémagglutinine Estérase (la protéine HE). En fait, le SARS-CoV-2 lie en premier lieu le récepteur membranaire  d’acide sialique et va du même coup le détruire en utilisant l’activité de sa protéine HE afin de fragiliser la barrière des sucres de la surface cellulaire de l’hôte et favoriser la liaison de sa protéine S aux récepteurs ACE2. Par surcroît, la protéine S doit être coupée (site de clivage) par la sérine protéase TMPRSS2 de l’hôte qui va permettre d’activer la protéine S pour lier le récepteur ACE2 (21). La protéine S du SARS-CoV-2 présente une mutation qui a probablement augmenté son pouvoir de transmission. La mutation candidate est la Asn501Thr qui favoriserait grandement la liaison entre la protéine S et le récepteur ACE2 (3, 22). Ceci est une hypothèse, car les études qui prouveraient cette affirmation, c’est-à-dire une étude qui tiendrait compte de la dynamique moléculaire (contraintes conformationnelles) entre la protéine S et le récepteur ACE-2 ne sont pas encore disponibles. L’entrée du SAR-CoV-2 dans la cellule implique donc un « ballet » entre des protéines virales, mais aussi celles de l’hôte. La compréhension de ces interactions macromoléculaires entre les éléments du  virus et ceux de l’hôte est cruciale afin de développer la vaccination ou des agents thérapeutiques.

Est-ce que nous sommes tous égaux sur le plan de la structure moléculaire du récepteur ACE2 (polymorphisme)? Est-ce que l’expression du récepteur est plus élevée chez les hommes ou chez les femmes ou est-ce qu’elle diffère selon les ethnies? Il est clair qu’il existe des polymorphismes du récepteur ACE2 et que ceux-ci pourraient changer l’affinité entre la protéine S et celui-ci et par conséquent corréler avec la susceptibilité à la maladie COVID-19. Toutefois, il est encore trop tôt pour affirmer si ces polymorphismes expliquent des variations de transmissibilité sur le plan des populations. Par exemple, en 2004, les polymorphismes du gène ACE2 ont été étudiés dans le cas du SARS-CoV et ceci n’a pas révélé une relation significative entre le polymorphisme et la manifestation clinique du SRAS (23). Du côté du virus SARS-CoV-2, même s’il ne présente pas un taux de mutation hors du commun pour un virus, il a été montré qu’il existe différentes souches du virus différenciées par des mutations qui pourraient diminuer ou augmenter sa virulence. Il est important de noter que le SARS-CoV-2 ne peut pas muter pour créer d’innombrables souches. Étant donné sa liaison assez complexe avec le récepteur ACE2 et la cascade de dégradation complexe des polyprotéines Pp1A et 1ab impliquée dans la traduction des protéines virales, les mutations pour perdurer doivent permettent la survie du virus et donc le fonctionnement de toutes ces protéines. Adam Brufsky de l’université de Pittsburgh rapporte que deux souches de virus seraient présentes aux É.-U.. En fait, l’acide aminé en position 614 de la protéine S est une glycine (G) dans les virus isolés de la côte est et sur la côte ouest la position 614 est occupée par un acide aspartique (D) (24). Il propose que ceci puisse expliquer en partie pourquoi il y a plus de mortalité sur la côte Est que sur la côte Ouest. Des expériences sur chaque souche de virus (c.-à-d. cultures cellulaires exprimant le récepteur ACE2) devront donc être réalisées afin de clairement démonter si ces mutations expliquent vraiment la disparité de mortalité entre les deux Côtes américaines.

Comme nous l’avons vu au cours de cet article, l’origine du virus et sa structure sont intimement liées et elles constituent des notions à garder constamment en tête lorsque l’on veut aborder l’étude du SARS-CoV-2. Dans cette veine, lorsqu’un dosage ou une analyse de dépistage du SARS-CoV-2 est développé, une connaissance des mécanismes viraux du SARS-CoV-2, d’autres coronavirus et des protéines clefs impliquées permettront de cibler plus rapidement les avantages et les désavantages d’une analyse. Que mesure-t-elle exactement? Comment l’analyse peut-elle discriminer le SARS-CoV-2 des autres virus? À quel moment peut-on détecter le SARS-CoV-2 dans les fluides corporels? Autant de questions que nous aborderons dans l’article à venir.

 

 

Références

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7- Neuman BW, Kiss G, Kunding AH, Bhella D, Baksh MF, Connelly S, Droese B, Klaus JP, Makino S, Sawicki SG, Siddell SG, Stamou DG, Wilson IA, Kuhn P et Buchmeir MJ, A Structural analysis of M protein in coronavirus assembly and morphology, J Struc Biol, 2011 (174):11-22.

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24-Brufsky A, Distinct viral clades of SARS-CoV-2: implications for modelling of viral spread, J. Med Virol, 2020

AUTEUR

Dr Philippe Desmeules, Biochimiste Clinique

Dr Philippe Desmeules, Ph.D, DEPD, CSPQ, Biochimiste clinique, Service de Biochimie
Les Laboratoires médicaux de la Capitale Nationale et des Îles, Site Institut Universitaire de Cardiologie et de Pneumologie de Québec-Université Laval
2725 Chemin Sainte-Foy, Québec (Qc), G1V 4G5